Déments et Suicidaires
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 Nos Contradictions

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Veragän Funéra

Veragän Funéra


Messages : 20
Date d'inscription : 05/07/2015

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MessageSujet: Re: Nos Contradictions   Nos Contradictions EmptyLun 6 Juil - 23:21

Nos Contradictions.


L’heure du crime et de la passion.
Le vent miaule contre le garde-fou et menace de l’emporter à l’usure. L’hiver est là, plein d’entrain, froid comme un baiser létal. Une rafale tourbillonne au-dessus des sapins, remonte la façade du manoir recouverte de lierre mort et termine sa course en giflant le visage hâve de l’immortel. Accoudé aux rambardes branlantes, son regard spectral observe mais ne voit rien. Les phalanges de ses doigts osseux s’articulent comme deux araignées filandreuses. Juché à vingt-deux mètres du sol, il scrute le transit de ses pairs déambulant par les promenades des jardins comme autant de bactéries puantes.

C’est alors qu’il la voit. Elle s’avance, vêtue d’une sombre grâce, ses hanches glissant dans la nuit, délicates et tranchantes. Elle cache bien son jeu. Ses yeux recèlent de ces démons indicibles ; la provocation, le défi, l’audace. Le vent stridule autour d’elle et dérange les cheveux de jais. Mais elle s’en fout. Les éléments peuvent bien se déchainer, rien ne vaut le tempo aliéné de son cœur, cet étrange organe que l’Illusionniste ne comprend pas.

Lorsqu’elle lève ses deux globes miroitants en sa direction, le fantôme a déjà disparu, ne laissant dans l’atmosphère ébranlée qu’un malaise, le sentiment d’être observé, glissé en filigrane sous les molécules d’air.
Veragän s’en retourne et ferme froidement la baie vitrée dans son sillage. Le living est silencieux, d’une quiétude lourde comme l’acier, même les silhouettes obscènes des peintures semblent se recueillir dans une inquiétante expectative.
Les yeux d’automate roulent doucement, analysent chaque geste capable d’animer la dépouille du maître des lieux.
Avec des gestes amusés, agiles comme dix serpents, Veragän boutonne sa sombre chemise, en face d’une longue psyché dans lequel son reflet joue les marionnettes mal articulées. Un sourire tortionne ses lèvres de spectre tandis que le visage de l’Illusionniste demeure statique, les traits de son visage semblables à des routes creuses, austères, parfaitement symétriques.
Son reflet renvoie l’image d’un épiderme noirci, terne et distendu par une délectable décomposition, tandis que la peau de l’éternel garde une blancheur inviolée, pure, presque céleste.

« Que tu es silencieux »
, articule l’Illusionniste en scrutant son Autre.

« C’est parce tu cries fort, mon frère »
, rétorque une voix piégée dans le miroir. «  Nous t’entendons, nous attendons de te voir passer à l’acte. Nous te respectons. »

Son sourire moqueur perdure et dévie ses paroles de toute franchise.

« Laisse-moi » crache Veragän.

« Alors tu disparaîtras. »

« Je n’ai pas peur de disparaître, bien plus de devenir un homme. »

« Illusionniste ! »
hurle son reflet d’une voix suraiguë dont les échos évoquent le grincement d’une balançoire millénaire.

Un rictus de mépris vient plisser le visage du vampire. Enfin, il se détourne du miroir où son Autre regagne l’oubli, enfile une veste banale, propre au commun des mortels et s’éclipse de ses quartiers après avoir scrupuleusement verrouillé chaque issue.
Les Morts n’aiment pas les visiteurs.

Quelques minutes passent durant lesquelles il évolue dans une marée humaine, par les couloirs et voies d’escaliers. Ses congénères ignorent obstinément les plaidoyers tenaces dont aimeraient les accabler les âmes en guerre du manoir. Ses plaintes intempestives, à mi-chemin entre l’invective et l’agonie, sont les instruments d’un fond sonore monocorde qui, jamais, ne connait d’accalmie.
Même lorsqu’il franchit le seuil de la salle de réception, cette mélodie graveleuse poursuit son cours. Sitôt dans la soirée, nul domestique n’est là pour accomplir son office, aussi les lieux sont-ils plongés dans un répit quasi religieux. Toutefois, elle est là, toujours à hanter les lieux improbables où sa présence se suffit à elle-même. Comme en ce jour, elle vient souvent s’accouder au minibar qui jouxte la longue table de chêne, elle se sert un Bloody Mary et il n’existe alors plus que le bruit de la boisson, glissant entre ses lèvres arrogantes
L’illusionniste ferme la porte derrière lui, s’adosse par devant la double porte et s’immobilise.

Leurs regards se croisent. Une lueur bleue métallique habite ses yeux vitreux mais ses traits demeurent statiques, taillés au couteau dans une nacre maudite. Seules quelques veines erratiques viennent troubler le bouillon macabre  ses opales.
Veragän fixe Louisa sans ciller, sans piper mot durant trente-sept secondes.
Cela fait des semaines entières qu’il la surveille depuis les ombres, qu’il apprend ses habitudes pour mieux lui échapper. Des semaines qu’il sonde son esprit sans comprendre quel démon la fait vivre. Et mourir.

«  Je m’en vais »
dit-il, détachant minutieusement ses syllabes.

« Je quitte le manoir. Crève en compagnie de tes bourreaux. »

C’est une voix posée, détachée et avenante qui se veut le berceau de ces mots violents.
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